jeudi 29 octobre 2015

« FSSPX-Rome »: autopsie d’une manipulation (1e partie: 2000-2005)

ALORS QUE LA « régularisation canonique » pleine et entière de la FSSPX semble désormais très proche, voire imminente (ce serait, nous dit-on ici et là, une question de mois voire de semaines), il n’est pas inutile de revenir sur les étapes d’une vaste manipulation qui aura duré près de vingt ans. Que cette “régularisation” soit sur le point d’aboutir au moment où le synode sur la famille démantèle la morale conjugale et donne sa bénédiction à l’adultère et à la veille de l’ouverture du jubilé célébrant les cinquante ans de Vatican II est très éclairant.

Le discours de Kansas City sans cesse démenti depuis deux ans

Lors d’une conférence et d'une homélie données lors d'un colloque organisé du 11 au 13 octobre 2013 à Kansas City par AngelusPress, Mgr Fellay déclarait: «Quand on voit ce qui se passe maintenant, nous remercions Dieu, nous remercions vraiment Dieu d'avoir été préservés de toute forme d'accord l'année dernière. Et nous pouvons certainement dire que l'un des fruits de la “Croisade du Rosaire” que nous avons entreprise est d'avoir été sauvegardés d'un tel malheur. Dieu merci. (…) Imaginez que certaines personnes continuent de prétendre que nous cherchons toujours à obtenir un accord avec Rome... les pauvres! Je les mets au défi de prouver ce qu'elles avancent.»

Deux mois après avoir tenu ces propos anti-accordistes — il y définissait François comme «un parfait moderniste » —, Mgr Fellay était reçu avec ses deux assistants par “Mgr” Guido Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, était invité à déjeuner à la salle à manger de la Maison Sainte-Marthe et était présenté à François. Puis ce fut la rencontre avec le “cardinal” Gerhard Müller, “Préfet” de la congrégation pour la Doctrine de la Foi le 23 septembre 2014 dans le but de parvenir rapidement à une « régularisation canonique ». Depuis les choses se sont brutalement accélérées: « visites canoniques » des séminaires, camouflées en un premier temps en simples échanges informels, reconnaissance de la FSSPX en Argentine, puis par “l’archevêque” de Ravenne, reconnaissance par le Vatican de Mgr Fellay comme juge d’affaires internes à la FSSPX et lettre de François décidant que les absolutions des prêtres de la FSSPX pendant l’année célébrant les 50 ans de Vatican II seront valides et licites.

D’évidence Mgr Fellay mentait en redisant en 2013 qu’il ne cherchait pas à obtenir un accord avec Rome. Le fait de définir Bergoglio comme un « parfait moderniste », c’est-à-dire si les mots ont un sens un hérétique, ne l’a pas empêché de poursuivre et d’amplifier son entreprise de ralliement. Et à nouveau il se moquait de la Sainte Vierge (mais c’est une constante chez lui, nous y reviendrons) en affirmant qu’elle avait miraculeusement évité en 2012 la signature d’un accord… qu’il continue pourtant plus que jamais à rechercher depuis lors et dont il regrettait le 17 juin 2012 dans une lettre à Benoît XVI qu’il n’ait pu alors aboutir à cause de la résistance interne à la Fraternité: «Malheureusement dans le contexte actuel de la Fraternité, la nouvelle déclaration (doctrinale demandée par le Vatican) ne passera pas». Autrement dit aucun problème pour lui de reconnaître Vatican II mais difficile de le faire avaler sans heurts à ses troupes!

Dans toute cette affaire des rapports avec le Vatican, Mgr Fellay aura sans cesse agi de manière très gaullienne, utilisant le mensonge, la ruse et la duplicité pour parvenir à ses fins. En Suisse sachant patienter et prendre son temps, il n’aura reculé devant aucune manipulation, aucun mensonge, aucune crapulerie, la pire étant l’instrumentalisation de la Mère de Dieu dans sa politique de ralliement-apostasie aux occupants modernistes du Vatican.

Au commencement était le… GREC

Tout semble commencer avec le pèlerinage romain en août 2000. En réalité, nous le savons aujourd’hui, la première étape clairement établie visant au ralliement, c’est la fondation du GREC en 1997, organisation qui agira discrètement, sinon secrètement, pendant des années, pour favoriser un accord entre le Vatican et Menzingen. Dès cette époque la direction de la FSSPX adoptera en permanence un double discours: un discours ad intra dans les conférences, les homélies, dans le bulletin interne à la FSSPX Cor unum où l’on répétera grosso modo jusqu’en 2011-2012 l’antienne « pas d’accord pratique avec Rome sans accord doctrinal préalable », c’est-à-dire sans être d’accord sur les principes, et un discours ad extra, devant la presse, face aux “prélats” romains et dans le cadre du GREC où est tenu un discours accordiste sans complexe. Le fondement et la pratique du GREC, c’est de faire dialoguer des membres dirigeants de la FSSPX (comme l’abbé Lorans) et des membres du clergé moderniste. Cette politique de dialogue a pour objectif avoué d’aplanir les différends et de parvenir à une « régularisation canonique » de la FSSPX. Cette structure n’a jamais été évoquée pendant les quelque douze ans où elle a activement fonctionné dans les publications officielles de la FSSPX (Fideliter, Dici, Cor unum) car pour être efficace elle devait agir dans l’ombre.

Pour ne pas trop allonger l’exposé (il y aurait matière à écrire un livre sur le sujet), nous ne retiendrons qu’un certain nombre de faits et de citations mais l’on pourrait aisément compléter la démonstration. Vu la longueur de l’article, nous allons le diviser en plusieurs parties successives.

Le pèlerinage romain de l’an 2000 et le déblocage des dons et legs

Le pèlerinage romain d’août 2000 est très important dans la chronologie des événements à un double titre. D’abord parce qu’il marque, après l’échec des négociations en 1987-1988 entre Mgr Lefebvre et le “cardinal” Ratzinger, la reprise publique de pourparlers entre le Vatican et la FSSPX. Ensuite parce que réalisé à l’occasion du jubilé de l’an 2000, ce pèlerinage se veut explicitement une manifestation d’attachement à l’Eglise romaine, à Rome, au Pape, c’est-dire pour la direction de la FSSPX à Jean Paul II. Ce qui n’est pas neutre puisque jamais Karol Wojtyla n’était allé aussi loin dans l’apostasie que lors de cette année 2000 avec la “béatification” de Jean XXIII, l’homme en blanc qui a “convoqué” Vatican II, la condamnation de 2000 ans d’Eglise devant un menorah à sept branches à saint-Pierre de Rome le 1er dimanche de Carême et le voyage en Terre sainte avec le papier introduit devant force rabbins dans le mur des Lamentations et demandant pardon à la synagogue pour le mal que lui aurait fait l’Eglise tout au long de son histoire. Malgré tous ces actes scandaleux et impies, Mgr Fellay avait demandé que lors de ce pèlerinage romain aucune critique, aucune attaque ne fût portée contre Jean Paul II. Il fallait seulement manifester son attachement filial à l’Eglise et au Pape (donc Jean Paul II pour la FSSPX).

Les quatre évêques officiellement excommuniés avaient eu l’autorisation de se rendre dans les quatre basiliques majeures avec le reste du clergé et les fidèles. Ce que l’on s’est bien gardé de dire à l’époque, c’est que l’ouverture de basiliques à la FSSPX avait fait l’objet de négociations pendant les deux années ayant précédé le pèlerinage, ainsi que nous l’avait assuré entre autres Michèle Reboul travaillant alors à Monde et Vie. Cela a donc supposé d’intenses pourparlers entre la FSSPX et le Vatican. La reprise des négociations en août 2000 n’est donc pas le fruit du hasard, le contexte était déjà à la détente, au dialogue, sinon à l’entente. D’ailleurs, pour les dix ans des sacres, en 1998, la FSSPX, de manière très significative, n’avait prévu aucune célébration officielle, comme s’il fallait déjà ménager les occupants du Vatican. Pourtant, ne nous avait-on pas présenté ces sacres comme une «opération-survie de la Tradition » ? Dans ces conditions, il était déjà très suspect de faire profil bas pour les dix ans de cet événement.

Variations sur une excommunication d’abord souhaitée, puis niée, puis dont le retrait est sollicité


Il faut dire que la FSSPX a beaucoup varié sur la question des excommunications fulminées contre Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer et les quatre évêques consacrés. Le 6 juillet 1988, les supérieurs majeurs de la FSSPX écrivaient une lettre au “cardinal” Gantin, “préfet” de la congrégation pour les évêques, dans laquelle ils affirmaient solennellement: «nous n'avons jamais voulu appartenir à ce système qui se qualifie lui-même d'Église Conciliaire, et se définit par le Novus Ordo Missæ, l'œcuménisme indifférentiste et la laïcisation de toute la Société. Oui, nous n'avons aucune part, nullampartemhabemus, avec le panthéon des religions d'Assise. Nous ne demandons pas mieux que d'être déclarés ex communione de l'esprit adultère qui souffle dans l'Église depuis vingt-cinq ans, exclus de la communion impie avec les infidèles. Nous croyons au seul Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec le Père et le Saint-Esprit, et nous serons toujours fidèles à Son unique Épouse, l'Église Une, Sainte, Catholique, Apostolique et Romaine. 


Être donc associés publiquement à la sanction qui frappe les six évêques catholiques, défenseurs de la foi dans son intégrité et son intégralité, serait pour nous une marque d'honneur et un signe d'orthodoxie devant les fidèles.Ceux-ci ont en effet un droit strict à savoir que les prêtres auxquels ils s'adressent ne sont pas de la communion d'une contrefaçon d'Église, évolutive, pentecôtiste, et syncrétiste

Il n’est pas inutile de rappeler le nom de signataires qui sont aujourd’hui de fervents ralliéristes et qui ne semblent donc plus gênés aujourd’hui par Assise et par cette « contrefaçon d’Eglise » (car que je sache, les grandes orientations de Vatican II n’ont en rien été abandonnées au Vatican, au contraire elles se confirment et s’aggravent chaque jour!) Voici quelques-uns de ces noms: l’abbé Schmidberger, l’abbé Aulagnier, l’abbé Lorans, l’abbé Simoulin, l’abbé Laisney, l’abbé Couture. On sait aujourd’hui ce que vaut la parole de ces Diafoirus de la religion!

Neuf ans plus tard, le discours changeait. En 1997 la FSSPX publiait une petite brochure Ni schismatiques ni excommuniés: l’aveu de Rome, où Menzingen, voulant rassurer ses troupes, essayait de développer des arguties pour faire accroire que la FSSPX n’était en réalité pas vraiment excommuniée par le Vatican. S’appuyant sur l’avis d’un théologien anonyme ayant fait un mémoire de droit canonique et sur la déclaration d’un “prélat” romain affirmant que la question de la FSSPX était «une affaire interne à l’Eglise catholique», Menzingen en déduisait de manière passablement malhonnête qu’en réalité le Vatican ne la jugeait pas excommuniée. Peu après la publication de cette brochure: la réponse des occupants du Vatican ne tarda pas: la FSSPX était bel et bien excommuniée!

Et puis à partir de 2001, nouveau changement de discours: cette fois la direction de la FSSPX demande officiellement le retrait du décret d’excommunication. Elle le demandera plusieurs fois dans les années qui suivront jusqu’à la fameuse lettre du 15 décembre 2008 au “cardinal” CastrillonHoyos.

Résumons: en 1988 on demande à ce que l’excommunication soit étendue glorieusement à tous les supérieurs majeurs, on la voit comme une décoration, comme un signe d’orthodoxie face à une église conciliaire jugée adultère, impie, développant l’esprit adultère d’Assise. En 1997 on affirme que cette excommunication est reconnue comme nulle par le Vatican et à partir de 2001, toujours sous Jean Paul II, on demande officiellement et de manière répétée son retrait. Voilà la logique, la cohérence et la dignité intellectuelle de la Fraternité Saint-Pie X! Chapeau bas!

La reprise officielle des négociations: la « feuille de route » du supérieur général

C’est au cours de cette même année 2000, où a donc eu lieu ce pèlerinage romain voulant montrer l’amour de la FSSPX pour la papauté, que la FSSPX récupérera soudainement, et il est difficile d’y voir une simple coïncidence, la totalité des dons et des legs qui avaient été bloqués depuis les sacres de 1988 par le ministère de l’Intérieur. Plusieurs dizaines de millions de francs sont ainsi débloqués d’un coup. A ce moment-là la reprise des discussions entre le Vatican et Menzingen n’est pas encore connue du grand public. A cause de fuites internes, Mgr Fellay est contraint de rédiger un communiqué le 22 janvier 2001 qui est lu dans toutes les chapelles de la FSSPX et qui annonce la reprise des discussions.

Ce communiqué, chef-d’œuvre d’ambiguïté, est millimétré: il ne faut froisser personne. Pour rassurer les opposants à l’accord, le point numéro un déclare: «Ayant devant les yeux d'une part l'exemple tout récent de la Fraternité Saint-Pierre, d'autre part la continuité de la ligne post-conciliaire constamment réaffirmée par Rome, notre défiance est extrême. » Mais comme Mgr Fellay est dès cette époque dans une logique ralliériste, il faut faire des pas dans ce sens, mais pas trop quand même. Il faut aller de l’avant mais sans que cela soit trop voyant. Cela donne le point 3: «Si accord il y avait, il ne serait à envisager que dans la perspective de redonner à la Tradition son droit de cité, même si le triomphe final ne s'obtiendra que graduellement. »

Là encore, tous les mots sont soigneusement pesés. Le principe « pas d’accord pratique sans accord doctrinal préalable » qui prévalait depuis les sacres est-il abandonné ? Là encore on est dans l’ambiguïté. Car que veut dire précisément «redonner à la Tradition son droit de cité ? » Est-ce seulement régulariser la FSSPX, lever les « sanctions canoniques » la frappant ou rompre avec les principes de Vatican II ? La section de phrase « Même si le triomphe final ne s’obtiendra que graduellement » laisse à penser qu’un accord pratique pourrait être envisagé si des signes sont donnés dans un sens “conservateur”. Mais ce n’est pas comme cela qu’il a été compris et interprété à l’époque. On le voit, on nage en pleine ambiguïté. Et cette équivoque, ce double discours permanent destinés à tromper, à manipuler, on va le voir, dureront jusqu’à aujourd’hui.

A cette époque, on évoque un accord entre Rome et Menzingen pour Pâques 2001. Le “cardinal”CastrillonHoyos pousse dans ce sens et Mgr Fellay y est lui aussi favorable. Le problème, c’est que l’opposition dans les rangs de la FSSPX est alors très forte et, en bon Helvète, sachant prendre son temps, le supérieur général patiente, louvoie, botte en touche. C’est un orfèvre en la matière, un horloger… suisse!

Le supérieur général de la FSSPX a convié la communauté de Campos à se joindre à la table des négociations. Campos ira au bout du ralliement dès la fin de l’année 2001. C’était plus facile pour cette communauté homogène, numériquement réduite et limitée spatialement à un seul diocèse(au Brésil) de s’orienter sans heurts vers la pleine intégration à l’église conciliaire. Pour Mgr Fellay qui est à la tête d’une structure de plusieurs centaines de prêtres, de frères, de religieuses étendue sur les cinq continents et à laquelle sont liées différentes communautés amies, c’est beaucoup plus difficile d’obtenir un consensus.Le supérieur général doit donc faire preuve de ruse et d’habileté. Comment manipuler tout ce monde et parvenir à ses fins ? En mentant tout le temps et à tout le monde. Tantôt par omission (c’est la fameuse restriction mentale dont la maison généralice fera un usage exceptionnel, elle mériterait le premier prix dans ce domaine), tantôt activement (par exemple avec les deux versions de la lettre du 24 janvier 2009 sur la reconnaissance de Vatican II, nous y reviendrons dans la partie 2 de cet article).

Dès cette époque, le supérieur général évoque une «feuille de route» à propos de ses rapports avec le Vatican. Or par définition une feuille de route indique un but avec des étapes. Le but (non avoué mais réel), c’est le ralliement. Les étapes, ce sont les fameux préalables: liberté pour la messe tridentine, retrait du décret d’excommunication. Le 11 mai 2001, dans le journal valaisan La Liberté, Mgr Fellay se lâche. Il dit qu’il approuve 95 % de Vatican II. Il va même plus loin: «Accepter le concile ne nous fait pas problème ». Bref, dès cette époque, on le voit, le supérieur général est prêt pour le ralliement. Mais comment l’obtenir de troupes qui y sont encore majoritairement hostiles ? Il n’y a qu’un moyen: agir comme De Gaulle l’a fait pour liquider l’Algérie française et imposer cette politique à une opinion qui était au départ massivement hostile à ce projet.

Mgr Fellay va donc enchaîner les déclarations contradictoires tout en prenant soin de faire des petits pas, presque imperceptibles, dans le sens du ralliement. C’est ce que l’on appelle la technique du voleur chinois qui consiste à déplacer chaque jour de manière presque imperceptible un objet jusqu’à ce qu’il disparaisse, mais sans qu’on s’aperçoive de cette disparition. Le supérieur général va donc s’employer, de manière graduelle, à conciliariser la Fraternité, puisque finalement ce concile est pour lui acceptable, à la rendre compatible avec les modernistes occupant le Vatican. Les publications officielles de la FSSPX, et notamment le bulletin Dici dirigé par l’abbé Lorans, son porte-parole et le responsable de la communication de la FSSPX, évitent ainsi soigneusement toute critique vigoureuse de la « Rome moderniste ». Nous vivons dans le monde de bisounours. Les articles seront de plus en plus factuels, vides de substance (et d’intérêt), creux (ce qui est très facile pour le très mondain Alain Lorans qui projette sans effort son propre vide, son propre néant) tandis que Nouvelles de chrétienté devient une sorte de Pravda à la gloire de Mgr Fellay. Le supérieur général y donne régulièrement de longues interviews et l’on voit à chaque page de grandes photos en couleur du grand timonier, souriant, toujours souriant (un sourire Colgate éclatant) avec sa belle croix pectorale en or brillant sur une soutane impeccable. Alors qu’on abandonne le combat contre le modernisme, on érige un culte de la personnalité du supérieur général. Lequel se montre toujours calme, pédagogue, cherchant à séduire et à rassurer.

Campos condamné alors que Mgr Fellay veut faire la même chose!

Parallèlement sont donnés à intervalles réguliers des signes destinés à rassurer l’aile récalcitrante aux accords. On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, c’est bien connu. Pour que la manœuvre réussisse, il faut bien donner des gages, un os à ronger aux anti-ralliéristes. Cet os est tout trouvé, c’est Campos. La FSSPX n’a pas sa pareille pour dézinguer l’allié hier. Et quelle est la meilleure façon de rassurer cette aile droite ? Eh bien de taper sur le compagnon qui vient de se rallier. C’est ainsi que le 2 mars 2002 Mgr Fellay publie un texte très hostile à Campos. Ce qui est un comble lorsqu’on sait que c’est la maison générale qui a incité Campos à entrer dans les négociations avec le Vatican et qu’au fond le supérieur général de la FSSPX a exactement le même objectif que Mgr Rifan et Mgr Rangel.

Citons quelques morceaux de ce texte qui vaut son pesant de cacahuètes quand on connaît la suite des événements: « La conjonction, à quelques jours près,de la reconnaissance de Campos par Rome, que certains pensent être une reconnaissance de la Tradition, et de la journée d’Assise, qui est à l’extrême opposé de la Tradition présente une telle contradiction qu’elle nous oblige à un regard approfondi; la démolition systématique de tout ce qui est traditionnel dans l’Eglise depuis le concile Vatican II impose une cohérence logique dans l’œuvre entreprise. Avant de saluer la reconnaissance de Campos comme un retour de Rome à la Tradition, nous sommes obligés de nous demander si cet événement ne peut pas aussi, ne doit pas aussi, être inséré dans la logique post-conciliaire: et précisément la journée d’Assise fournit un argument probant en faveur de cette thèse. Si la Rome post-conciliaire est capable de réunir tant de religions, on peut même dire toutes les religions, pour une cause commune religieuse, comment ne pourrait-elle pas aussi trouver une petite place pour la Tradition ? Faut-il y voir un dilemme pour Rome: résorber le «schisme de la Tradition» en l’acceptant, alors que cette dernière s’est montrée jusqu’ici exclusive et condamnatoire (et donc accepter qu’elle a raison contre la Rome moderniste) ou continuer dans la ligne des réformes ? Très manifestement, la ligne des réformes est maintenue comme principe intangible et irréversible. »

On pourrait paraphraser Mgr Fellay et écrire aujourd’hui: «La conjonction, à quelques jours près, de la reconnaissance de la FSSPX par l’archevêque de Ravenne en Italie qui suit la régularisation canonique de la Fraternité en Argentine, la juridiction donnée pour les confessions par François que certains pensent être une reconnaissance de la Tradition, et du synode de la famille qui détruit la morale familiale et conjugale, qui est à l’extrême opposé de la Tradition présente une telle contradiction qu’elle nous oblige à un regard approfondi; la démolition systématique de tout ce qui est traditionnel dans l’Eglise depuis le concile Vatican II impose une cohérence logique dans l’œuvre entreprise. Avant de saluer la reconnaissance de la FSSPX comme un retour de Rome à la Tradition, nous sommes obligés de nous demander si cet événement ne peut pas aussi, ne doit pas aussi, être inséré dans la logique post-conciliaire. »

Mgr Fellay devrait réfléchir à cet adage: scripta manent! L’abbé Aulagnier, 18 mois plus tard, sera congédié comme un laquais parce qu’il s’obstinait à défendre publiquement ses amis de Campos et à prôner ouvertement et sincèrement un accord de la FSSPX avec Rome. En réalité Mgr Fellayne lui reprochait pas d’être favorable à un accord auquel lui-même travaillait dans l’ombre, la suite l’a amplement montré, il lui faisait grief de le dire trop tôt et trop ouvertement. Au fond ce qui a tué l’abbé Aulagnier c’est son manque de machiavélisme et de duplicité, c’est sa franchise. Tout le monde, il est vrai, n’a pas les talents de manipulateur et de faussaire du supérieur général!

L’affaire de Bordeaux: une direction tyrannique

Je passe sur l’affaire de Bordeaux et l’exclusion de l’abbéPhilippe Laguérie, privé de couverture sociale et à qui ont été envoyés des vigiles et des chiens en toute charité sacerdotale. Cette affaire en soi sordide est néanmoins intéressante sur un point parce que Mgr Fellay y révèle son vrai visage: il s’est en effet comporté comme un tyran sans cœur et a pu mesurer le degré de docilité de ses troupes. Il refuse tout droit d’appel à l’abbé Laguérie. Le chapitre général de 2006, tenant compte de cette affaire ayant divisé le district de France, créera un droit d’appel mais à l’arrivée ce n’est pas mieux quand on voit les parodies de procès des abbés Pinaud et Salenave en 2013, les juges étant totalement soumis à Bernard Fellay et exécutant ses ordres!

En pleine affaire de Bordeaux, feu l’abbé Schaeffer me confiait qu’il faisait très attention à ce qu’il disait sur le parvis de saint-Nicolas car tout était répété à Suresnes et à Menzingen. Régnait en effet en interne un véritable climat de terreur. L’affaire de Bordeaux a incontestablement marqué une étape importante dans la sectarisation de la FSSPX, dans la caporalisation de ses membres, dans l’évolution de plus en plus tyrannique et stalinienne de sa direction, dans la gouroutisation du mouvement. Rappelons que fut refusé à l’abbé Christophe Héry, proche de l’abbé Laguérie, d’aller prendre une hostie au tabernacle du prieuré de Bruges pour un mourant, Suresnes l’ayant interdit. Ce sont des choses qu’il est bon de garder en mémoire! Mais Mgr Fellay a pu mesurer l’obéissance ultra-majoritaire de ses troupes. De bon augure pour la suite!

2005 c’est l’année de l’ “élection” de Benoît XVI que Mgr Fellay saluera comme une « lueur d’espérance ». Cette année-là le processus de ralliement avancera considérablement. Benoît XVI reçoit Mgr Fellay le 29 août 2005. Un communiqué est signé déclarant la volonté de s’acheminer vers « la résolution des points qui font difficulté dans un délai raisonnable ». S’ensuivra à partir de 2006 et jusqu’en 2012 la supercherie sacrilège des « croisades du Rosaire » destinées à faire croire que le Vatican revenait progressivement mais sûrement à la Tradition et qu’il était donc temps de se diriger vers l’accord. Nous allons décortiquer ce subterfuge diabolique. C’est en effet dans ces années-là que Mgr Fellay ira le plus loin dans l’imposture, le mensonge et la manipulation. Tous les détails dans une seconde partie (à venir, j’espère, d’ici quelques jours).

Petrus.

Synode sur la famille : la bénédiction donnée à l’adultère !

IL N’Y A PAS que sur les affiches dans nos rues et dans le métro que l’on promeut l’adultère. « Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la sécu » peut-on ainsi lire sur différents panneaux publicitaires de nos villes avec la photo d’une pomme croquée, symbole du fruit défendu. Ces affiches conçues par Gleeden, « premier site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes » et incitant explicitement à l’infidélité ne devraient pas choquer au Vatican. En effet, le synode sur la famille convoqué par Jorge Mario Bergoglio et qui s’est achevé le 25 octobre a ouvert la voie à la communion pour les divorcés remariés (article 85 de la Relatio finalis). Désormais « au cas par cas », les divorcés remariés pourront s’approcher de la table de communion. Il sera fait appel à leur « conscience personnelle » et ils sont invités à entreprendre, avec un prêtre, un « parcours de discernement ». Si les personnes remariées ne se sentent pas coupables, n’ont le sentiment d’avoir commis aucune faute, eh bien elles pourront recevoir l’eucharistie. La notion de péché objectif, de faute grave a complètement disparu. L’on nage en plein subjectivisme, en plein relativisme. L’on ne parle plus que de miséricorde et de réconciliation. C’est oublier volontairement que pour qu’il y ait pardon et miséricorde, il faut qu’il y ait eu au préalable reconnaissance de sa culpabilité (contrition) et engagement à ne plus recommencer, à se réformer (ferme propos). Certes on savait déjà que dans l’église conciliaire beaucoup de personnes en situation irrégulière étaient déjà admises à la communion (ou à ce qui en tient lieu car avec la réforme des rites sacramentels postérieure à Vatican II il est permis de douter sérieusement de la validité des sacrements ainsi altérés). Beaucoup de divorcés ou de concubins exercent ainsi des responsabilités au sein de groupes “paroissiaux”, font même le catéchisme mais une chose est d’agir en pratique contre les commandements de Dieu et de l’Eglise, une autre est de théoriser cette pratique, de lui donner sa bénédiction au plus haut niveau de l’institution conciliaire. 

Ce nihil obstat donné de fait à des relations adultères est une négation implicite mais bien réelle de l’indissolubilité du mariage déjà mise en question par les deux récents motu proprio de François facilitant les procédures d’annulation de mariage religieux. Certes, comme toujours avec les modernistes, on feint de rappeler le dogme pour mieux le subvertir de l’intérieur, pour mieux s’en affranchir. L’accès à la communion pour les divorcés remariés a été acquise avec une… voix d’avance : 178 voix “pour” et 80 voix “contre” puisqu’il fallait les deux tiers des suffrages pour que cette disposition fût entérinée. Lors de la première session de ce même synode, il y a un an, elle avait été repoussée, la majorité qualifiée n’ayant pas été atteinte. La révolution conciliaire avance selon la politique des petits pas, le temps d’habituer les gens à ce qu’ils acceptent l’inacceptable. On se souvient de la célèbre phrase de saint Augustin : « A force de tout supporter, on finit par tout tolérer, à force de tout tolérer, on finit par tout accepter et à force de tout accepter on finit par tout justifier. » Cette disposition nouvelle du synode est donc symbolique d’un changement capital, non pas tellement dans la pratique (où l’entorse à la règle était des plus courantes) mais dans la doctrine. Une fois de plus, sur un sujet capital, la contre-église œcuménique de Vatican II rompt avec le magistère traditionnel de l’Eglise catholique, avec le Décalogue, avec la morale chrétienne. 

CE N’EST PAS une surprise puisque François n’a jamais caché son objectif de faire bouger les choses dans ce domaine, c’est-à-dire en réalité de se soumettre au monde, à la modernité, au relativisme moral et doctrinal et d’encourager finalement l’apostasie et donc l’immoralité des masses. « Le monde change et nous devons observer les signes du temps », insista Bergoglio dans son intervention finale, reprenant, mot à mot, le discours de Jean XXIII et de Paul VI, les deux principaux responsables de Vatican II. Juste avant le vote final, François s’en prit même aux (très relatifs) conservateurs : « Les vrais défenseurs de la doctrine ne sont pas ceux qui défendent la lettre, mais l’esprit ; non les idées, mais les hommes ; non les formules, mais la gratuité de l’amour de Dieu et de son pardon. Le premier devoir de l’Église n’est pas de distribuer des condamnations ou des anathèmes, mais de proclamer la miséricorde. » On reconnaît là la patte habituelle des modernistes destructeurs : on prétend ne juger personne et au final on absout d’avance toutes les fautes, même les plus graves, sans que les fautifs aient si peu que ce soit manifesté l’intention de revenir dans le droit chemin. On rappelle toujours l’épisode de la femme adultère qu’en effet Jésus n’a pas condamnée mais on oublie sciemment de citer les paroles que le Christ lui a adressées en la congédiant : « Va et ne pèche plus ».

La reconnaissance des “couples homosexuels”, sans être aussi explicite que l’intégration des divorcés remariés, ne fait également guère de doute : « L’Église réitère que chaque personne, indépendamment de sa propre tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter toute marque d’une injuste discrimination. » Et aucune condamnation morale, même implicite, n’est portée contre l’homosexualité dont le catéchisme de saint Pie X enseignait pourtant qu’elle était « un péché qui crie vengeance devant Dieu » ! De toute façon, les gestes nombreux de François se faisant photographier tout sourire voire hilare avec des invertis heureux et fiers de l’être voire avec des paires de transsexuels en disent plus qu’un long discours. Bergoglio doit par ailleurs s’atteler à un « document sur la famille » où il ira certainement encore plus loin dans les novations. Il sera aidé dans ce but par le nouveau dicastère dont il a annoncé la création le 22 octobre, lequel aura « compétence sur les laïcs, la famille et la vie » et « remplacera le Conseil pontifical pour les laïcs et le Conseil pontifical pour la famille et auquel sera reliée l’Académie pontificale pour la vie ».

Comme chez les anglicans auxquels l’église conciliaire ressemble de plus en plus dans ses rites, ses discours, ses décisions, son organisation, son décorum, le synode a décidé d’accorder davantage de responsabilités à la gent féminine. Serait-ce là une ouverture implicite au diaconat voire au sacerdoce pour les femmes ? Les « pères synodaux » exhortent en effet à la « valorisation de la responsabilité des femmes dans l’Église » et encouragent « leur intervention dans les processus décisionnels, leur participation au gouvernement de quelques institutions ». 

ON LE VOIT, les dirigeants de l’église conciliaire poursuivent avec détermination leur destruction méthodique et systématique de la doctrine et de la morale catholiques. Après avoir détruit les sacrements, obstruant ainsi les sources de la grâce sanctifiante, le catéchisme, le Bréviaire, le missel, le rituel, les constitutions religieuses, les Etats, les écoles et les syndicats catholiques, altéré le Rosaire, falsifié la Bible et les Evangiles, lavé les juifs du péché de déicide (le 28 octobre nous commémorions les 50 ans de Nostra Aetate), détruit le dogme, sauf bien sûr le dogme holocaustique qui se substitue de fait au dogme catholique, il ne leur restait plus pour parachever leur entreprise diabolique d’anéantissement qu’à subvertir ce qui restait de morale chrétienne. C’est désormais chose faite. Il faut en être conscient : les politiciens ne sont pas les seuls à s’en prendre à la morale, à la famille, à la nation, aux vertus domestiques. La contre-église de Vatican II, vecteur du mondialisme, fourrier de l’immigrationnisme, servante de la synagogue et de son tabou mondial, responsable de la perte générale de la foi et de son cortège de familles divisées, éclatées, décomposées, recomposées est à l’avant-garde depuis un demi-siècle de la ruine de nos sociétés et de notre civilisation européenne et (naguère) chrétienne.

Jérôme BOURBON. 

Editorial de RIVAROL daté du jeudi 29 octobre 2015, numéro 3208.

mercredi 28 octobre 2015

Pitoyable !

Alors que ce synode sur la famille ouvre la voie à la communion pour les divorcés remariés, donnant ainsi sa bénédiction à des pécheurs publics, à des relations adultères, alors qu’il affirme la dignité des homosexuels qui ne doivent pas être discriminés et encourage l’intervention des femmes « dans les processus décisionnels » de l’église conciliaire, ouvrant implicitement la voie au diaconat voire au sacerdoce pour les femmes, le supérieur général de la FSSPX écrit : « On peut y lire (dans le rapport final du synode) certes des rappels doctrinaux sur le mariage et la famille catholique, mais on note aussi des ambiguïtés et omissions regrettables ». Ce qui est une abomination sans nom, un viol des commandements de Dieu, une infamie n’est pour Bernard Fellay qu’« ambiguïtés et omissions regrettables ». Simplement regrettables ! Il est vrai que la FSSPX, étant en phase finale de ralliement intégral, les mots doivent être pesés au millimètre près à la fois pour ne pas choquer ses propres troupes par un discours trop complaisant envers le Vatican ni non plus indisposer François avec qui le supérieur général est copain comme cochon.

Mgr Fellay écrit également : « Suivant le conseil du Christ : vigilate et orate, nous prions pour le pape : oremus pro pontifice nostro Francisco, et nous demeurons vigilants : non tradat eum in manus inimicorum ejus, pour que Dieu ne le livre pas au pouvoir de ses ennemis. Nous supplions Marie, Mère de l’Eglise, de lui obtenir les grâces qui lui permettront d’être l’intendant fidèle des trésors de son divin Fils. » 
Que Dieu ne le livre pas au pouvoir de ses ennemis ! On croit rêver ! Alors qu’il est de notoriété publique que François veut que les divorcés remariés puissent communier, veut que les homosexuels notoires soient accueillis et aient des responsabilités au sein de l’institution conciliaire qu’il préside ! Chacun sait que telle est la volonté de François qui ne s’en cache d’ailleurs nullement et qui prend même la peine de joindre le geste à la parole en se faisant photographier hilare avec des sodomites et des transsexuels assumés, revendiqués, fiers de l’être !
Si les gens avaient gardé un minimum de principe, de sens moral et d’honnêteté intellectuelle, ils vomiraient ce discours fellaysien menteur, hypocrite, faux, trompeur, lui aussi relativiste et ambigu, et dont le diable est le père.

Petrus.

samedi 10 octobre 2015

Dialogue entre un “ralliériste” et un “résistant”

Le “résistant” : Ce que fait Mgr Fellay est affreux, épouvantable. Il est en train de brader l’œuvre de Mgr Lefebvre. C’est un traître. Comment peut-il agir ainsi alors que le pape François détruit la morale familiale et conjugale, se fait photographier tout sourire avec des sodomites et des transsexuels…

Le “ralliériste” : Restez calme mon ami. Vous exagérez. Vous vous échauffez. Je vous l’affirme, Mgr Fellay est le fidèle disciple de Mgr Lefebvre qui n’a jamais voulu rompre avec Rome et le Pape. N’a-t-il pas toujours déféré aux convocations des différents dicastères romains ? N’a-t-il pas toute sa vie et jusqu’à sa mort condamné le sédévacantisme et imposé dès 1983 l’una cum au canon de la messe à tous ses prêtres ? N’a-t-il pas écrit dans une lettre à Jean Paul II en 1981 qu’il avait sévi envers les prêtres et les séminaristes qui refusaient de reconnaître l’autorité et la légitimité du pape polonais ? N’a-t-il pas négocié et signé un protocole d’accord le 5 mai 1988 avec le cardinal Ratzinger?

Le “résistant” : Oui, mais il a renié sa signature dès le lendemain après avoir passé une nuit affreuse. Depuis Assise il avait compris qu’il n’était plus possible de rechercher et de trouver un accord avec la Rome moderniste…

Le “ralliériste” : Vous vous trompez lourdement. Assise a eu lieu en octobre 1986. Mgr Lefebvre a certes condamné cette initiative regrettable du pape Jean Paul II mais cela ne l’a pas empêché d’engager quelques mois après des négociations avec le Vatican, de recevoir à Ecône avec tous les honneurs dus à son rang le cardinal Gagnon qui avait le droit à un trône lors des messes et offices auxquels il assistait à Ecône, de s’entretenir avec chaleur avec les cardinaux Gagnon et Ratzinger, de signer, ce n’est pas rien, le protocole d’accord du 5 mai 1988 qui reconnaît Vatican II, le Pape Jean Paul II, la validité de la nouvelle messe et des nouveaux sacrements, le nouveau code de droit canon, qui promet l’obéissance au Saint-Siège.

Le “résistant” : Vous ne comprenez pas qu’il a renié sa signature. Vous entendez, il l’a reniée. Reniée ! Reniée !

Le “ralliériste” : Restons raisonnable. Je me dois de vous contredire : Mgr Lefebvre n’a jamais renié sur le fond ce protocole. Pas plus que notre très vénérable supérieur général, Son Excellence Mgr Fellay, n’a rétracté sur le fond son préambule doctrinal du 15 avril 2012. A la vérité, des quatre évêques Mgr Fellay est probablement le plus fidèle à la pensée, à l’action et aux méthodes de notre vénéré fondateur. D’ailleurs, ne trouvez-vous pas qu’il lui ressemble : ses airs inspirés dans ses sermons ponctués de longs silences où son âme contemple les réalités célestes ? Mgr Fellay, c’est la sainteté en acte !

Le “résistant” : Ne changez pas de sujet, n’essayez pas de m’embrouiller. Mgr Lefebvre a renié sa signature quand il a compris qu’il s’était fait rouler…

Le “ralliériste” : Cessez de parler toujours de pièges. Il faut avoir confiance. Ne pensez-vous pas que le Pape puisse avoir vraiment le désir de trouver une solution satisfaisante pour tous, de clore cet épisode douloureux et d’aller de l’avant, d’avancer vers l’unité. J’aime cette expression : aller de l’avant…

Je le répète, Mgr Lefebvre n’a jamais renié sur le fond ce qu’il a signé. Croit-on que le saint évêque soit homme à se renier, soit une girouette guidée par le vent, un modèle d’inconstance ? Evidemment non. Ce serait gravement diffamer notre saint fondateur que de prétendre cela. Si l’accord ne s’est finalement pas fait en 1988, ce n’est pas à cause du contenu du protocole d’accord mais parce qu’on n’accordait pas à Mgr Lefebvre les garanties qu’il avait demandées : la majorité à la commission romaine chargée de la Tradition et une date certaine pour le sacre d’un évêque destiné à assurer sa succession. Le désaccord ne s’est donc pas fait sur des raisons doctrinales mais a pour origines des raisons purement pratico-pratiques, prudentielles, circonstancielles.

Le “résistant” : Reconnaissez au moins qu’à partir des sacres le saint Athanase du XXe siècle n’a plus fluctué, qu’il a durci le ton contre la Rome moderniste et refusé toute perspective d’accord…

Le “ralliériste” : Erreur, mon jeune ami. On voit que vous n’avez pas connu Mgr Lefebvre. Comment cet homme si doux, si humble, si pondéré, si romain aurait-il pu accepter l’idée d’une séparation profonde et durable avec Rome, avec le Saint-Père ? Oui ou non, dans son homélie le jour des sacres Mgr Lefebvre parle-t-il de "Notre Saint-Père le pape", oui ou non dit-il le lendemain de cette cérémonie qu'il a bon espoir qu'un accord avec Rome sera trouvé dans quatre ou cinq ans au maximum, on est à des années-lumière de la dureté que bien à tort vous lui prêtez.

Le “résistant” : Enfin, Mgr Lefebvre a tenu des propos très durs sur les “ralliés”, sur Dom Gérard, disant qu’il ne voulait plus les voir, qu’il fallait couper tout contact avec eux, que les fidèles sous peine de faute grave ne devaient pas aller à la messe de l’Indult. Vous ne pouvez nier qu’il a dit tout cela…

Le “ralliériste” : Mais il faut remettre tout cela dans son contexte. Mgr Lefebvre qui avait du cœur a été très douloureusement touché par le fait que certains de ses anciens compagnons qu’il avait contribué à former, à aider, que pour certains il avait ordonnés, l’abandonnassent, se séparassent de lui. D’où les propos que vous évoquez mais qu’il convient de relativiser, de contextualiser. Il ne faut pas accorder une valeur absolue à des propos tenus sous le coup de l’émotion ou de l’indignation et qui ne sauraient inspirer en tout et pour toujours une ligne de conduite.

D’ailleurs, si vous regardez toute l’histoire de la Fraternité, Mgr Lefebvre a tenu des propos au moins aussi durs sur les prêtres qui l’avaient quitté (ou qu’il a chassés) pour sédévacantisme. Demandez aux neuf prêtres sédévacantistes américains en 1983 si Mgr Lefebvre les a particulièrement ménagés. Notre saint fondateur savait être ferme et énergique quand il le fallait ! Demandez à l’abbé Zins, à l’abbé Seuillot, à l’abbé Guépin, à l’abbé Belmont si Mgr Lefebvre a fait dans la dentelle pour leur dire que dans sa sainte Fraternité il ne voulait pas de brebis galeuse sédévacantiste. Notre fondateur a conféré le diaconat à l’abbé Zins puis l’a chassé pour avoir déchiré une image de Jean Paul II de sorte que l’abbé en question ne pouvait ni devenir prêtre ni se marier et se trouvait donc dans une impasse. Voyez jusqu’où allait la fermeté sur les principes de Mgr Lefebvre. Mieux vaut condamner à la misère un de ses diacres inflexibles plutôt que de mettre en doute l’autorité du pape Jean Paul II !

Là encore Mgr Fellay est parfaitement fidèle au prélat qui l’a fait prêtre et évêque : regardez avec quel sang-froid il a chassé tous les prêtres rebelles, les abbés Pinaud, Salenave, Rioult, Méramo, Cériani et tant d’autres. Il a même été jusqu’à renvoyer son confrère dans l’épiscopat, son aîné de 18 ans, le doyen des quatre évêques : Mgr Williamson. Cela m’a fait penser à Marine Le Pen excluant son père du parti qu’il a fondé et présidé pendant quarante ans. Quelle ferme autorité de notre supérieur ! Quelle belle intransigeance ! Quelle franche détermination ! Et notez bien que Mgr Fellay, s’il sait frapper à droite sait aussi sévir à gauche : regardez le sort de l’abbé Aulagnier, renvoyé par un simple fax après 33 ans de Fraternité, parce qu’il a eu le tort d’approuver trop tôt et trop bruyamment l’accord de Campos avec Rome, l’abbé Laguérie privé de couverture sociale et à qui ont été envoyés des vigiles et des chiens au prieuré de Bruges. Mgr Fellay a préféré perdre l’église Saint-Eloi plutôt que de négocier sur les principes, quel homme ! Quel grand homme ! Plutôt perdre des biens que de céder sur l’essentiel, c’est du grand saint Pie X !

Le "résistant" : Vous me dégoûtez ! Quel cynisme ! Vous ne pouvez quand même pas nier que Mgr Lefebvre est connu dans le monde entier comme l’évêque valeureux qui a résisté à Vatican II et à la révolution conciliaire…

Le “ralliériste” : Là encore les choses sont plus complexes que ce que croit votre esprit étroit. Oui ou non Mgr Lefebvre a-t-il signé tous les textes et documents de Vatican II, y compris celui sur la liberté religieuse ? Mgr Tissier dont on ne peut nier l’amour qu’il porte au vénérable archevêque a reconnu dans sa biographie parue en 2002 que, contrairement à ce qu’il avait affirmé de son vivant, Mgr Lefebvre avait signé, approuvé tout Vatican II.

Le "résistant" : Vous insinuez que notre saint fondateur était un menteur ? C’est ça, dites-le franchement. Répétez-le pour voir !

Le “ralliériste” : Menteur, comme vous y allez ! Mgr Lefebvre était animé par l’amour de la vérité. Disons seulement que dans cette affaire il a poussé jusqu’à ses extrêmes limites le concept de restriction mentale chère à nos amis jésuites… N’oublions pas non plus que Mgr Lefebvre a refusé d’apposer sa signature au Bref examen critique sur la nouvelle messe des cardinaux Ottaviani et Bacci. Toujours cette prudence surnaturelle qui le guidera toute sa vie.

Le “résistant” : Cynisme toujours ! Vous cherchez seulement à me déstabiliser !


Le “ralliériste” : Je cherche à vous apaiser mon ami. Je suis plein d’optimisme pour l’avenir de l’Eglise. Cessons, comme le disait saint Jean XXIII, de se laisser influencer par les « prophètes de malheur ». Ne voyez-vous pas des signes de renouveau dans l’Eglise ? Certes tout n’est pas parfait ici-bas mais sachons voir et analyser les signes positifs. Ne nous laissons pas aller à l’amertume et au zèle amer. Evitons le durcissement du cœur et les infatuations de l’orgueil. Ouvrons-nous, accueillons avec joie, avec gratitude, avec émerveillement le geste paternel de Sa Sainteté le Pape François qui a jugé valides et licites les absolutions conférées par nos prêtres pendant toute l’Année de la miséricorde fêtant les 50 ans de la clôture du concile Vatican II. Rendons grâces au Seigneur pour cette merveilleuse nouvelle.


De même que Mgr Fellay avait fait chanter des Magnificat après leMotu Proprio de 2007 libérant la messe tridentine, des Te Deum en 2009 pour la levée des excommunications, chantons des Salve Regina solennels pour ce geste courageux de notre Saint-Père car d’évidence il s’agit d’un troisième miracle de Notre-Dame.

Comme l’avait déclaré notre supérieur général qui sait infailliblement reconnaître les miracles tant il est saint et inspiré, le Motu Proprio et la levée des excommunications étaient d’évidence des miracles de Notre-Dame qui a récompensé notre bien aimée Fraternité de ses croisades du Rosaire que le si zélé et si spirituel abbé Lorans avait fort justement qualifié dans Nouvelles de chrétienté de « nouvelle bataille de Lépante ». Le courageux abbé Lorans que les mauvaises langues appellent méchamment « le petit caniche à rubans de Mgr Fellay » fait toujours dans l’excellence mais ce jour-là il s’était surpassé. C’est ça : la nouvelle bataille de Lépante ! J’en ai des frissons tellement c’est beau ! Avec l’abbé Lorans nous respirons l’air des cimes !

Le “résistant” : Arrêtez, vous blasphémez ! Instrumentaliser la Mère de Dieu afin de mener à bien une opération de ralliement-apostasie à l’église conciliaire, il n’y a rien de plus vomitif ! Vous devriez avoir honte ! Mgr Lefebvre a toujours combattu l’église conciliaire, lui ! Et il ne s’abritait pas derrière la Sainte Vierge pour justifier ses rares pourparlers avec Rome !

Le "ralliériste" : Mgr Lefebvre avait un même amour de la Sainte Vierge que Mgr Fellay. Pensez, après les sacres, il avait changé le célèbre adage catholique « Ubi Petrus, ibi Ecclesia » en « Ubi Maria, ibi Ecclesia ». Là où est Marie, là est l’Eglise. Quelle merveille ! Quel grand théologien ! Le fil conducteur entre Mgr Lefebvre et Mgr Fellay, c’est ce même amour de Dieu, du Pape et de la Sainte Vierge, cette même fidélité à une ligne droite, ce refus permanent du double discours et de la manipulation des esprits.

Par ailleurs, si le saint fondateur d’Ecône avait toujours combattu l’église conciliaire comme vous le prétendez, croyez-vous qu’il se serait rendu de bonne grâce aux convocations des cardinaux Seper et Ratzinger à la Congrégation pour la doctrine de la foi, croyez-vous qu’il aurait été voir toutes affaires cessantes Paul VI en 1976 et Jean Paul II dès son élection en 1978 ? Croyez-vous qu’il aurait demandé et obtenu les autorisations nécessaires pour la fondation de la Fraternité Saint-Pie X, pour l’érection de son séminaire international en 1970 ? Mgr Lefebvre a toujours reconnu l’autorité du pape et des dicastères romains, ainsi que celle des évêques résidentiels et des curés de paroisse. Telle est la réalité.

Lorsqu’il parle d’église conciliaire, il fait allusion à l’esprit libéral voire moderniste qui a envahi une partie plus ou moins importante, selon les moments, de la hiérarchie mais il n’a jamais nié publiquement la légitimité ni l’autorité de cette hiérarchie. A ses yeux, l’église conciliaire n’est pas une entité autonome et distincte de l’Eglise catholique. Pensez autrement, c’est être sédévacantiste, ce que Mgr Lefebvre n’a jamais été.

Le “résistant” : Bien que mes amis et moi rejetions le sédévacantisme par fidélité à Mgr Lefebvre qui ne peut ni se tromper ni nous tromper, reconnaissons quand même que dans son sermon à Ecône, à Pâques 1986, évoquant le futur rassemblement à Assise organisé par le pape Jean Paul II, notre fondateur dit bien que dans quelques semaines ou quelques mois il sera peut-être obligé de reconnaître publiquement que le pape n’est pas le pape car on ne peut pas à la fois être la tête de l’Eglise et être hérétique formel ? A un moment donné Mgr Lefebvre s’est donc bien posé sérieusement la question !

Le “ralliériste” : Mais là encore vous accordez une importance exagérée à une citation tirée de son contexte. Pour comprendre Monseigneur, il faut prendre en compte la totalité de ses écrits, de ses homélies, de ses conférences et de ses interviews, on ne peut isoler telle ou telle citation.

Si vraiment il fallait accorder une grande importance aux propos que vous évoquez, Mgr Lefebvre aurait fait des déclarations solennelles allant dans ce sens le jour d’Assise ou à sa suite. Or jusqu’à sa mort, cinq ans après, il n’a jamais redit de telles choses qui, notez-le, étaient sous une forme interrogative, explorative et nullement affirmative et sentencieuse.

Mais si vous voulez tout savoir, je vais vous dire pourquoi Mgr Lefebvre a tenu ces propos ce jour-là : quatre prêtres du district italien de la Fraternité qui dirigeaient la revue Sodalitium (créée en 1984 avec la bénédiction de Mgr Lefebvre) venaient de quitter la FSSPX, en décembre 1985, et de fonder à Turin un petit Institut qui existe toujours, l’Institut Mater Boni Consillii (IMBC). Plusieurs séminaristes d’Ecône, scandalisés par Assise, étaient alors tentés de les rejoindre. En bon politique, Mgr Lefebvre a fait cette déclaration pour les rassurer, les neutraliser. L’opération a parfaitement fonctionné : ils sont tous restés au séminaire d’Ecône, sauf un séminariste italien, l’abbé Giugni qui a rejoint l’IMBC en décembre 1986. Mais notre fondateur n’avait aucune intention, la suite l’a prouvé, de déclarer la vacance du Saint-Siège.

On l’oublie souvent : Mgr Lefebvre était aussi un grand politique. Il savait être diplomate, pragmatique et rusé. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, c’est bien connu.

Le “résistant” : Mais si Mgr Lefebvre était vraiment l’homme que vous décrivez, je ne sais plus quoi penser. Le sédévacantisme est une erreur et un péché nous a-t-on répété depuis 40 ans et le ralliement à l’église conciliaire m’apparaît comme une trahison du combat de la foi. Je ne sais plus à quel saint me vouer.

Le "ralliériste" : Détendez-vous et faites confiance au successeur légal et légitime de Mgr Lefebvre. Mgr Fellay est son digne héritier. Même prudence de gouvernement, même habileté, même sens de l’équilibre, même attitude raisonnable fuyant toute extrémité, même force surnaturelle, même amour des principes mâtiné de pragmatisme, même intransigeance envers les prêtres déviants, même sainteté éclatante, même humilité, même zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, même réussite matérielle, mêmes mimiques, même élocution et mêmes chauffeurs pour les conduire… à Rome. Cette Rome d’où nous venons et où nous retournons sous l’autorité du bon pape François qui, par humilité, ne juge ni les gays ni les transsexuels.

Du haut du Ciel Mgr Lefebvre peut-être fier de Mgr Fellay et de tous ses prêtres : nous lui sommes restés fidèles. Merci, Monseigneur, d’avoir placé des saints à la tête de votre œuvre. Merci, merci, merci!
Petrus