ALORS QUE LA « régularisation canonique » pleine et entière de la FSSPX semble désormais très proche, voire imminente (ce serait, nous dit-on ici et là, une question de mois voire de semaines), il n’est pas inutile de revenir sur les étapes d’une vaste manipulation qui aura duré près de vingt ans. Que cette “régularisation” soit sur le point d’aboutir au moment où le synode sur la famille démantèle la morale conjugale et donne sa bénédiction à l’adultère et à la veille de l’ouverture du jubilé célébrant les cinquante ans de Vatican II est très éclairant.
Le discours de Kansas City sans cesse démenti depuis deux ans
Lors d’une conférence et d'une homélie données lors d'un colloque organisé du 11 au 13 octobre 2013 à Kansas City par AngelusPress, Mgr Fellay déclarait: «Quand on voit ce qui se passe maintenant, nous remercions Dieu, nous remercions vraiment Dieu d'avoir été préservés de toute forme d'accord l'année dernière. Et nous pouvons certainement dire que l'un des fruits de la “Croisade du Rosaire” que nous avons entreprise est d'avoir été sauvegardés d'un tel malheur. Dieu merci. (…) Imaginez que certaines personnes continuent de prétendre que nous cherchons toujours à obtenir un accord avec Rome... les pauvres! Je les mets au défi de prouver ce qu'elles avancent.»
Deux mois après avoir tenu ces propos anti-accordistes — il y définissait François comme «un parfait moderniste » —, Mgr Fellay était reçu avec ses deux assistants par “Mgr” Guido Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, était invité à déjeuner à la salle à manger de la Maison Sainte-Marthe et était présenté à François. Puis ce fut la rencontre avec le “cardinal” Gerhard Müller, “Préfet” de la congrégation pour la Doctrine de la Foi le 23 septembre 2014 dans le but de parvenir rapidement à une « régularisation canonique ». Depuis les choses se sont brutalement accélérées: « visites canoniques » des séminaires, camouflées en un premier temps en simples échanges informels, reconnaissance de la FSSPX en Argentine, puis par “l’archevêque” de Ravenne, reconnaissance par le Vatican de Mgr Fellay comme juge d’affaires internes à la FSSPX et lettre de François décidant que les absolutions des prêtres de la FSSPX pendant l’année célébrant les 50 ans de Vatican II seront valides et licites.
D’évidence Mgr Fellay mentait en redisant en 2013 qu’il ne cherchait pas à obtenir un accord avec Rome. Le fait de définir Bergoglio comme un « parfait moderniste », c’est-à-dire si les mots ont un sens un hérétique, ne l’a pas empêché de poursuivre et d’amplifier son entreprise de ralliement. Et à nouveau il se moquait de la Sainte Vierge (mais c’est une constante chez lui, nous y reviendrons) en affirmant qu’elle avait miraculeusement évité en 2012 la signature d’un accord… qu’il continue pourtant plus que jamais à rechercher depuis lors et dont il regrettait le 17 juin 2012 dans une lettre à Benoît XVI qu’il n’ait pu alors aboutir à cause de la résistance interne à la Fraternité: «Malheureusement dans le contexte actuel de la Fraternité, la nouvelle déclaration (doctrinale demandée par le Vatican) ne passera pas». Autrement dit aucun problème pour lui de reconnaître Vatican II mais difficile de le faire avaler sans heurts à ses troupes!
Dans toute cette affaire des rapports avec le Vatican, Mgr Fellay aura sans cesse agi de manière très gaullienne, utilisant le mensonge, la ruse et la duplicité pour parvenir à ses fins. En Suisse sachant patienter et prendre son temps, il n’aura reculé devant aucune manipulation, aucun mensonge, aucune crapulerie, la pire étant l’instrumentalisation de la Mère de Dieu dans sa politique de ralliement-apostasie aux occupants modernistes du Vatican.
Au commencement était le… GREC
Tout semble commencer avec le pèlerinage romain en août 2000. En réalité, nous le savons aujourd’hui, la première étape clairement établie visant au ralliement, c’est la fondation du GREC en 1997, organisation qui agira discrètement, sinon secrètement, pendant des années, pour favoriser un accord entre le Vatican et Menzingen. Dès cette époque la direction de la FSSPX adoptera en permanence un double discours: un discours ad intra dans les conférences, les homélies, dans le bulletin interne à la FSSPX Cor unum où l’on répétera grosso modo jusqu’en 2011-2012 l’antienne « pas d’accord pratique avec Rome sans accord doctrinal préalable », c’est-à-dire sans être d’accord sur les principes, et un discours ad extra, devant la presse, face aux “prélats” romains et dans le cadre du GREC où est tenu un discours accordiste sans complexe. Le fondement et la pratique du GREC, c’est de faire dialoguer des membres dirigeants de la FSSPX (comme l’abbé Lorans) et des membres du clergé moderniste. Cette politique de dialogue a pour objectif avoué d’aplanir les différends et de parvenir à une « régularisation canonique » de la FSSPX. Cette structure n’a jamais été évoquée pendant les quelque douze ans où elle a activement fonctionné dans les publications officielles de la FSSPX (Fideliter, Dici, Cor unum) car pour être efficace elle devait agir dans l’ombre.
Pour ne pas trop allonger l’exposé (il y aurait matière à écrire un livre sur le sujet), nous ne retiendrons qu’un certain nombre de faits et de citations mais l’on pourrait aisément compléter la démonstration. Vu la longueur de l’article, nous allons le diviser en plusieurs parties successives.
Le pèlerinage romain de l’an 2000 et le déblocage des dons et legs
Le pèlerinage romain d’août 2000 est très important dans la chronologie des événements à un double titre. D’abord parce qu’il marque, après l’échec des négociations en 1987-1988 entre Mgr Lefebvre et le “cardinal” Ratzinger, la reprise publique de pourparlers entre le Vatican et la FSSPX. Ensuite parce que réalisé à l’occasion du jubilé de l’an 2000, ce pèlerinage se veut explicitement une manifestation d’attachement à l’Eglise romaine, à Rome, au Pape, c’est-dire pour la direction de la FSSPX à Jean Paul II. Ce qui n’est pas neutre puisque jamais Karol Wojtyla n’était allé aussi loin dans l’apostasie que lors de cette année 2000 avec la “béatification” de Jean XXIII, l’homme en blanc qui a “convoqué” Vatican II, la condamnation de 2000 ans d’Eglise devant un menorah à sept branches à saint-Pierre de Rome le 1er dimanche de Carême et le voyage en Terre sainte avec le papier introduit devant force rabbins dans le mur des Lamentations et demandant pardon à la synagogue pour le mal que lui aurait fait l’Eglise tout au long de son histoire. Malgré tous ces actes scandaleux et impies, Mgr Fellay avait demandé que lors de ce pèlerinage romain aucune critique, aucune attaque ne fût portée contre Jean Paul II. Il fallait seulement manifester son attachement filial à l’Eglise et au Pape (donc Jean Paul II pour la FSSPX).
Les quatre évêques officiellement excommuniés avaient eu l’autorisation de se rendre dans les quatre basiliques majeures avec le reste du clergé et les fidèles. Ce que l’on s’est bien gardé de dire à l’époque, c’est que l’ouverture de basiliques à la FSSPX avait fait l’objet de négociations pendant les deux années ayant précédé le pèlerinage, ainsi que nous l’avait assuré entre autres Michèle Reboul travaillant alors à Monde et Vie. Cela a donc supposé d’intenses pourparlers entre la FSSPX et le Vatican. La reprise des négociations en août 2000 n’est donc pas le fruit du hasard, le contexte était déjà à la détente, au dialogue, sinon à l’entente. D’ailleurs, pour les dix ans des sacres, en 1998, la FSSPX, de manière très significative, n’avait prévu aucune célébration officielle, comme s’il fallait déjà ménager les occupants du Vatican. Pourtant, ne nous avait-on pas présenté ces sacres comme une «opération-survie de la Tradition » ? Dans ces conditions, il était déjà très suspect de faire profil bas pour les dix ans de cet événement.
Variations sur une excommunication d’abord souhaitée, puis niée, puis dont le retrait est sollicité
Il faut dire que la FSSPX a beaucoup varié sur la question des excommunications fulminées contre Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer et les quatre évêques consacrés. Le 6 juillet 1988, les supérieurs majeurs de la FSSPX écrivaient une lettre au “cardinal” Gantin, “préfet” de la congrégation pour les évêques, dans laquelle ils affirmaient solennellement: «nous n'avons jamais voulu appartenir à ce système qui se qualifie lui-même d'Église Conciliaire, et se définit par le Novus Ordo Missæ, l'œcuménisme indifférentiste et la laïcisation de toute la Société. Oui, nous n'avons aucune part, nullampartemhabemus, avec le panthéon des religions d'Assise. Nous ne demandons pas mieux que d'être déclarés ex communione de l'esprit adultère qui souffle dans l'Église depuis vingt-cinq ans, exclus de la communion impie avec les infidèles. Nous croyons au seul Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec le Père et le Saint-Esprit, et nous serons toujours fidèles à Son unique Épouse, l'Église Une, Sainte, Catholique, Apostolique et Romaine.
Être donc associés publiquement à la sanction qui frappe les six évêques catholiques, défenseurs de la foi dans son intégrité et son intégralité, serait pour nous une marque d'honneur et un signe d'orthodoxie devant les fidèles.Ceux-ci ont en effet un droit strict à savoir que les prêtres auxquels ils s'adressent ne sont pas de la communion d'une contrefaçon d'Église, évolutive, pentecôtiste, et syncrétiste.»
Il n’est pas inutile de rappeler le nom de signataires qui sont aujourd’hui de fervents ralliéristes et qui ne semblent donc plus gênés aujourd’hui par Assise et par cette « contrefaçon d’Eglise » (car que je sache, les grandes orientations de Vatican II n’ont en rien été abandonnées au Vatican, au contraire elles se confirment et s’aggravent chaque jour!) Voici quelques-uns de ces noms: l’abbé Schmidberger, l’abbé Aulagnier, l’abbé Lorans, l’abbé Simoulin, l’abbé Laisney, l’abbé Couture. On sait aujourd’hui ce que vaut la parole de ces Diafoirus de la religion!
Neuf ans plus tard, le discours changeait. En 1997 la FSSPX publiait une petite brochure Ni schismatiques ni excommuniés: l’aveu de Rome, où Menzingen, voulant rassurer ses troupes, essayait de développer des arguties pour faire accroire que la FSSPX n’était en réalité pas vraiment excommuniée par le Vatican. S’appuyant sur l’avis d’un théologien anonyme ayant fait un mémoire de droit canonique et sur la déclaration d’un “prélat” romain affirmant que la question de la FSSPX était «une affaire interne à l’Eglise catholique», Menzingen en déduisait de manière passablement malhonnête qu’en réalité le Vatican ne la jugeait pas excommuniée. Peu après la publication de cette brochure: la réponse des occupants du Vatican ne tarda pas: la FSSPX était bel et bien excommuniée!
Et puis à partir de 2001, nouveau changement de discours: cette fois la direction de la FSSPX demande officiellement le retrait du décret d’excommunication. Elle le demandera plusieurs fois dans les années qui suivront jusqu’à la fameuse lettre du 15 décembre 2008 au “cardinal” CastrillonHoyos.
Résumons: en 1988 on demande à ce que l’excommunication soit étendue glorieusement à tous les supérieurs majeurs, on la voit comme une décoration, comme un signe d’orthodoxie face à une église conciliaire jugée adultère, impie, développant l’esprit adultère d’Assise. En 1997 on affirme que cette excommunication est reconnue comme nulle par le Vatican et à partir de 2001, toujours sous Jean Paul II, on demande officiellement et de manière répétée son retrait. Voilà la logique, la cohérence et la dignité intellectuelle de la Fraternité Saint-Pie X! Chapeau bas!
La reprise officielle des négociations: la « feuille de route » du supérieur général
C’est au cours de cette même année 2000, où a donc eu lieu ce pèlerinage romain voulant montrer l’amour de la FSSPX pour la papauté, que la FSSPX récupérera soudainement, et il est difficile d’y voir une simple coïncidence, la totalité des dons et des legs qui avaient été bloqués depuis les sacres de 1988 par le ministère de l’Intérieur. Plusieurs dizaines de millions de francs sont ainsi débloqués d’un coup. A ce moment-là la reprise des discussions entre le Vatican et Menzingen n’est pas encore connue du grand public. A cause de fuites internes, Mgr Fellay est contraint de rédiger un communiqué le 22 janvier 2001 qui est lu dans toutes les chapelles de la FSSPX et qui annonce la reprise des discussions.
Ce communiqué, chef-d’œuvre d’ambiguïté, est millimétré: il ne faut froisser personne. Pour rassurer les opposants à l’accord, le point numéro un déclare: «Ayant devant les yeux d'une part l'exemple tout récent de la Fraternité Saint-Pierre, d'autre part la continuité de la ligne post-conciliaire constamment réaffirmée par Rome, notre défiance est extrême. » Mais comme Mgr Fellay est dès cette époque dans une logique ralliériste, il faut faire des pas dans ce sens, mais pas trop quand même. Il faut aller de l’avant mais sans que cela soit trop voyant. Cela donne le point 3: «Si accord il y avait, il ne serait à envisager que dans la perspective de redonner à la Tradition son droit de cité, même si le triomphe final ne s'obtiendra que graduellement. »
Là encore, tous les mots sont soigneusement pesés. Le principe « pas d’accord pratique sans accord doctrinal préalable » qui prévalait depuis les sacres est-il abandonné ? Là encore on est dans l’ambiguïté. Car que veut dire précisément «redonner à la Tradition son droit de cité ? » Est-ce seulement régulariser la FSSPX, lever les « sanctions canoniques » la frappant ou rompre avec les principes de Vatican II ? La section de phrase « Même si le triomphe final ne s’obtiendra que graduellement » laisse à penser qu’un accord pratique pourrait être envisagé si des signes sont donnés dans un sens “conservateur”. Mais ce n’est pas comme cela qu’il a été compris et interprété à l’époque. On le voit, on nage en pleine ambiguïté. Et cette équivoque, ce double discours permanent destinés à tromper, à manipuler, on va le voir, dureront jusqu’à aujourd’hui.
A cette époque, on évoque un accord entre Rome et Menzingen pour Pâques 2001. Le “cardinal”CastrillonHoyos pousse dans ce sens et Mgr Fellay y est lui aussi favorable. Le problème, c’est que l’opposition dans les rangs de la FSSPX est alors très forte et, en bon Helvète, sachant prendre son temps, le supérieur général patiente, louvoie, botte en touche. C’est un orfèvre en la matière, un horloger… suisse!
Le supérieur général de la FSSPX a convié la communauté de Campos à se joindre à la table des négociations. Campos ira au bout du ralliement dès la fin de l’année 2001. C’était plus facile pour cette communauté homogène, numériquement réduite et limitée spatialement à un seul diocèse(au Brésil) de s’orienter sans heurts vers la pleine intégration à l’église conciliaire. Pour Mgr Fellay qui est à la tête d’une structure de plusieurs centaines de prêtres, de frères, de religieuses étendue sur les cinq continents et à laquelle sont liées différentes communautés amies, c’est beaucoup plus difficile d’obtenir un consensus.Le supérieur général doit donc faire preuve de ruse et d’habileté. Comment manipuler tout ce monde et parvenir à ses fins ? En mentant tout le temps et à tout le monde. Tantôt par omission (c’est la fameuse restriction mentale dont la maison généralice fera un usage exceptionnel, elle mériterait le premier prix dans ce domaine), tantôt activement (par exemple avec les deux versions de la lettre du 24 janvier 2009 sur la reconnaissance de Vatican II, nous y reviendrons dans la partie 2 de cet article).
Dès cette époque, le supérieur général évoque une «feuille de route» à propos de ses rapports avec le Vatican. Or par définition une feuille de route indique un but avec des étapes. Le but (non avoué mais réel), c’est le ralliement. Les étapes, ce sont les fameux préalables: liberté pour la messe tridentine, retrait du décret d’excommunication. Le 11 mai 2001, dans le journal valaisan La Liberté, Mgr Fellay se lâche. Il dit qu’il approuve 95 % de Vatican II. Il va même plus loin: «Accepter le concile ne nous fait pas problème ». Bref, dès cette époque, on le voit, le supérieur général est prêt pour le ralliement. Mais comment l’obtenir de troupes qui y sont encore majoritairement hostiles ? Il n’y a qu’un moyen: agir comme De Gaulle l’a fait pour liquider l’Algérie française et imposer cette politique à une opinion qui était au départ massivement hostile à ce projet.
Mgr Fellay va donc enchaîner les déclarations contradictoires tout en prenant soin de faire des petits pas, presque imperceptibles, dans le sens du ralliement. C’est ce que l’on appelle la technique du voleur chinois qui consiste à déplacer chaque jour de manière presque imperceptible un objet jusqu’à ce qu’il disparaisse, mais sans qu’on s’aperçoive de cette disparition. Le supérieur général va donc s’employer, de manière graduelle, à conciliariser la Fraternité, puisque finalement ce concile est pour lui acceptable, à la rendre compatible avec les modernistes occupant le Vatican. Les publications officielles de la FSSPX, et notamment le bulletin Dici dirigé par l’abbé Lorans, son porte-parole et le responsable de la communication de la FSSPX, évitent ainsi soigneusement toute critique vigoureuse de la « Rome moderniste ». Nous vivons dans le monde de bisounours. Les articles seront de plus en plus factuels, vides de substance (et d’intérêt), creux (ce qui est très facile pour le très mondain Alain Lorans qui projette sans effort son propre vide, son propre néant) tandis que Nouvelles de chrétienté devient une sorte de Pravda à la gloire de Mgr Fellay. Le supérieur général y donne régulièrement de longues interviews et l’on voit à chaque page de grandes photos en couleur du grand timonier, souriant, toujours souriant (un sourire Colgate éclatant) avec sa belle croix pectorale en or brillant sur une soutane impeccable. Alors qu’on abandonne le combat contre le modernisme, on érige un culte de la personnalité du supérieur général. Lequel se montre toujours calme, pédagogue, cherchant à séduire et à rassurer.
Campos condamné alors que Mgr Fellay veut faire la même chose!
Parallèlement sont donnés à intervalles réguliers des signes destinés à rassurer l’aile récalcitrante aux accords. On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, c’est bien connu. Pour que la manœuvre réussisse, il faut bien donner des gages, un os à ronger aux anti-ralliéristes. Cet os est tout trouvé, c’est Campos. La FSSPX n’a pas sa pareille pour dézinguer l’allié hier. Et quelle est la meilleure façon de rassurer cette aile droite ? Eh bien de taper sur le compagnon qui vient de se rallier. C’est ainsi que le 2 mars 2002 Mgr Fellay publie un texte très hostile à Campos. Ce qui est un comble lorsqu’on sait que c’est la maison générale qui a incité Campos à entrer dans les négociations avec le Vatican et qu’au fond le supérieur général de la FSSPX a exactement le même objectif que Mgr Rifan et Mgr Rangel.
Citons quelques morceaux de ce texte qui vaut son pesant de cacahuètes quand on connaît la suite des événements: « La conjonction, à quelques jours près,de la reconnaissance de Campos par Rome, que certains pensent être une reconnaissance de la Tradition, et de la journée d’Assise, qui est à l’extrême opposé de la Tradition présente une telle contradiction qu’elle nous oblige à un regard approfondi; la démolition systématique de tout ce qui est traditionnel dans l’Eglise depuis le concile Vatican II impose une cohérence logique dans l’œuvre entreprise. Avant de saluer la reconnaissance de Campos comme un retour de Rome à la Tradition, nous sommes obligés de nous demander si cet événement ne peut pas aussi, ne doit pas aussi, être inséré dans la logique post-conciliaire: et précisément la journée d’Assise fournit un argument probant en faveur de cette thèse. Si la Rome post-conciliaire est capable de réunir tant de religions, on peut même dire toutes les religions, pour une cause commune religieuse, comment ne pourrait-elle pas aussi trouver une petite place pour la Tradition ? Faut-il y voir un dilemme pour Rome: résorber le «schisme de la Tradition» en l’acceptant, alors que cette dernière s’est montrée jusqu’ici exclusive et condamnatoire (et donc accepter qu’elle a raison contre la Rome moderniste) ou continuer dans la ligne des réformes ? Très manifestement, la ligne des réformes est maintenue comme principe intangible et irréversible. »
On pourrait paraphraser Mgr Fellay et écrire aujourd’hui: «La conjonction, à quelques jours près, de la reconnaissance de la FSSPX par l’archevêque de Ravenne en Italie qui suit la régularisation canonique de la Fraternité en Argentine, la juridiction donnée pour les confessions par François que certains pensent être une reconnaissance de la Tradition, et du synode de la famille qui détruit la morale familiale et conjugale, qui est à l’extrême opposé de la Tradition présente une telle contradiction qu’elle nous oblige à un regard approfondi; la démolition systématique de tout ce qui est traditionnel dans l’Eglise depuis le concile Vatican II impose une cohérence logique dans l’œuvre entreprise. Avant de saluer la reconnaissance de la FSSPX comme un retour de Rome à la Tradition, nous sommes obligés de nous demander si cet événement ne peut pas aussi, ne doit pas aussi, être inséré dans la logique post-conciliaire. »
Mgr Fellay devrait réfléchir à cet adage: scripta manent! L’abbé Aulagnier, 18 mois plus tard, sera congédié comme un laquais parce qu’il s’obstinait à défendre publiquement ses amis de Campos et à prôner ouvertement et sincèrement un accord de la FSSPX avec Rome. En réalité Mgr Fellayne lui reprochait pas d’être favorable à un accord auquel lui-même travaillait dans l’ombre, la suite l’a amplement montré, il lui faisait grief de le dire trop tôt et trop ouvertement. Au fond ce qui a tué l’abbé Aulagnier c’est son manque de machiavélisme et de duplicité, c’est sa franchise. Tout le monde, il est vrai, n’a pas les talents de manipulateur et de faussaire du supérieur général!
L’affaire de Bordeaux: une direction tyrannique
Je passe sur l’affaire de Bordeaux et l’exclusion de l’abbéPhilippe Laguérie, privé de couverture sociale et à qui ont été envoyés des vigiles et des chiens en toute charité sacerdotale. Cette affaire en soi sordide est néanmoins intéressante sur un point parce que Mgr Fellay y révèle son vrai visage: il s’est en effet comporté comme un tyran sans cœur et a pu mesurer le degré de docilité de ses troupes. Il refuse tout droit d’appel à l’abbé Laguérie. Le chapitre général de 2006, tenant compte de cette affaire ayant divisé le district de France, créera un droit d’appel mais à l’arrivée ce n’est pas mieux quand on voit les parodies de procès des abbés Pinaud et Salenave en 2013, les juges étant totalement soumis à Bernard Fellay et exécutant ses ordres!
En pleine affaire de Bordeaux, feu l’abbé Schaeffer me confiait qu’il faisait très attention à ce qu’il disait sur le parvis de saint-Nicolas car tout était répété à Suresnes et à Menzingen. Régnait en effet en interne un véritable climat de terreur. L’affaire de Bordeaux a incontestablement marqué une étape importante dans la sectarisation de la FSSPX, dans la caporalisation de ses membres, dans l’évolution de plus en plus tyrannique et stalinienne de sa direction, dans la gouroutisation du mouvement. Rappelons que fut refusé à l’abbé Christophe Héry, proche de l’abbé Laguérie, d’aller prendre une hostie au tabernacle du prieuré de Bruges pour un mourant, Suresnes l’ayant interdit. Ce sont des choses qu’il est bon de garder en mémoire! Mais Mgr Fellay a pu mesurer l’obéissance ultra-majoritaire de ses troupes. De bon augure pour la suite!
2005 c’est l’année de l’ “élection” de Benoît XVI que Mgr Fellay saluera comme une « lueur d’espérance ». Cette année-là le processus de ralliement avancera considérablement. Benoît XVI reçoit Mgr Fellay le 29 août 2005. Un communiqué est signé déclarant la volonté de s’acheminer vers « la résolution des points qui font difficulté dans un délai raisonnable ». S’ensuivra à partir de 2006 et jusqu’en 2012 la supercherie sacrilège des « croisades du Rosaire » destinées à faire croire que le Vatican revenait progressivement mais sûrement à la Tradition et qu’il était donc temps de se diriger vers l’accord. Nous allons décortiquer ce subterfuge diabolique. C’est en effet dans ces années-là que Mgr Fellay ira le plus loin dans l’imposture, le mensonge et la manipulation. Tous les détails dans une seconde partie (à venir, j’espère, d’ici quelques jours).
Petrus.