lundi 27 février 2006

L'imposture du lefebvrisme

Si comme c’est probable un accord a lieu dans le courant de cette année entre la FSSPX et le Vatican, les conséquences en seront immenses. La seule signature de Mgr Fellay fait aussitôt passer dans le camp du ralliement la totalité des chapelles, prieurés, écoles, séminaires, maisons de retraite de la FSSPX.
  
Mais les lefebvristes se trompent s’ils pensent en tous points pouvoir dire et faire ce qu’ils disaient et faisaient jusque-là. Les confirmations sous condition d’enfants ou d’adultes déjà « confirmés » dans le nouveau rite, c’est fini. Les annulations de mariage et de vœux religieux dont s’occupe la commission saint Charles Borromée et à sa tête Mgr Tissier de Mallerais, c’est terminé. L’interdit jeté sur le fait d’assister activement à la nouvelle messe et à la messe de l’indult, comme l’a encore rappelé officiellement à Nantes l’abbé Petrucci, c’est de l’histoire ancienne. « Accord ou pas accord, il ne faut pas se laisser abîmer par l’iceberg » a écrit récemment l’abbé Pierre Duverger. Mais une fois pleinement réintégrée dans le giron de l’église conciliaire, la FSSPX croit-elle qu’elle pourra échapper aux relations avec le clergé du novus ordo, avec l’évêque diocésain ? Si l’évêque du lieu veut lui-même procéder aux confirmations, comment pourra-t-elle refuser ? Quant à Vatican II, elle ne pourra plus du tout le critiquer, encore moins le condamner. L’exemple des prêtres ecclesiadeistes est là pour le prouver. 

M’est avis que les choses risquent d’aller très vite une fois l’accord signé. Regardez Mgr Rifan. Campos tenait naguère une position encore plus dure que celle de la FSSPX. Aujourd’hui le nouvel ami des abbés Laguérie, Aulagnier et de Tanoüarn tient un discours qui le place objectivement à gauche de la Fraternité Saint-Pierre. Je me souviens que Dom Gérard, au moment de son ralliement en 1988, écrivait mâlement : « qu’aucun silence ne soit fait sur notre prédication antimoderniste ». Quelques années après, ce dernier concélébrait la nouvelle messe et laissait le père Basile défendre la pleine orthodoxie doctrinale de Dignitatis humanae. A cet égard, je me souviens du temps où l’abbé Aulagnier tapait à bras raccourcis sur les ralliés : dans le numéro 96 de Fideliter (novembre-décembre 1993), l’abbé Aulagnier écrivait ainsi à propos des prêtres Ecclesia Dei : « . Il leur fallait donc se résigner à des compromissions, à des concessions, et mettre la main dans l'engrenage fatal qui les a happés et qui finira par les broyer tous, pour en faire de vrais ralliés aux erreurs du Concile, à la nouvelle messe et à tout ce qu'ils ont combattu justement dans le passé. Ce sont donc surtout les accords de 1988 qu'il convient de leur reprocher, car ils sont la cause de tout le mal, et non leur attitude actuelle, qui n'en est que la conséquence. Toutes ces circonstances peuvent contribuer à expliquer, sans l'excuser complètement, leur triste défection et les concessions de plus en plus graves qu'ils vont être amenés à faire. » Puis, apostrophant Dom Gérard, l’abbé portait ce jugement péremptoire en forme de condamnation : « Pensez-y bien, mon Révérend Père : chaque fois qu'un de ces prêtres glisse, perd pied, abandonne la Tradition, trahit la messe catholique pour rallier misérablement les erreurs conciliaires, c'est à cause de vous qu'il le fait, c'est sous votre impulsion et en croyant suivre votre exemple. Ce prêtre qui cède au modernisme peut dire en toute vérité à votre propos : « Celui qui m'a livré à toi est coupable d'un plus grand péché » que moi. » 

Depuis, il est vrai, l’abbé Aulagnier a bien changé. En 1998 il a accompagné les groupes Ecclesia Dei à Rome pour les dix ans du Motu Proprio afin de « remercier le Saint Père » pour sa générosité. Et depuis 2001 l’ancien supérieur du district de France de la FSSPX ne cesse de faire l’apologie du ralliement de Campos. 

La plasticité et l’aplomb de tous ces clercs sont vraiment phénoménaux. Jamais ils n’admettront publiquement et humblement qu’ils ont changé de position, qu’ils se sont trompés et qu’ils ont trompé. Ils ont toujours la même assurance voire une semblable morgue. Regardez l’abbé de Tanoüarn : « Ce que nous ne signerons jamais » écrivait-il en avril 2002 dans son mensuel Pacte à propos de l’accord du Vatican avec la communauté de Campos. Trois ans après, il signe sans aucun problème de conscience apparent. 

Je prends le pari que quand la Fraternité se ralliera, ce qui ne saurait désormais tarder, elle ne présentera aucune excuse pour ses violentes attaques et ses sempiternelles accusations de traîtrise contre les ralliés antérieurs, ceux de Dom Augustin, du Barroux, de la Fraternité Saint-Pierre, de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, de Campos. Et pourtant elle aura fait exactement la même chose qu’eux. Oh je vois déjà les arguments que l’on va nous inventer pour justifier l’injustifiable. Je pourrais l’écrire moi-même : le contexte a changé, avec Benoît XVI un grande espérance se lève. En 1988, en 2001 les accords étaient coupables, criminels mais en 2006 ils sont géniaux, indispensables. C’est le moment de signer. Pas avant, pas après.
  
Et puis n’oublions pas les grâces d’état de Mgr Fellay. Très important les grâces d’état ! Et puis surtout les grâces du fondateur : Mgr Marcel Lefebvre himself ! De là-haut il veille sur son œuvre. Il nous guide telle l’étoile du berger. Et il nous fait comprendre qu’aujourd’hui il faut signer. D’ailleurs, pourquoi continuerions-nous à combattre Vatican II ? Mgr Lefebvre n’a-t-il pas signé tous les textes du concile comme le reconnaît dans sa biographie Mgr Tissier de Mallerais? Et le 5 mai 1988 "l'évêque de fer" a bien signé un protocole d’accord avec le cardinal Ratzinger. Certes, le lendemain, il retirait sa signature mais dix-huit ans ont passé, nous avons désormais quatre évêques et l’heure est venue de signer à nouveau. 

Le pire n’est pas tant que ces clercs se livrent à de telles indignes palinodies. Le pire est qu’il y ait encore des gens pour les suivre, leur donner de l’argent, leur faire confiance et les considérer à la pointe de la résistance traditionaliste alors qu’ils n’en sont que des fossoyeurs. Si le mot imposture a un sens, c’est bien au lefebvrisme dans toutes ses dimensions qu’il s’applique.
  
Petrus.