mercredi 2 mars 2005

Les origines lointaines de la fracture au sein de la FSSPX

Avant de nous pencher sur l'avenir de la FSSPX, sur la question des accords avec Campos et sur des tas d'autres considérations sur la FSSPX (sur ce sujet Petrus est intarissable), je remets en ligne un long post (que je complèterai bientôt) sur les origines lointaines de la crise actuelle. Vos critiques et remarques, même violentes, sont naturellement les bienvenues.

Je ne goûte guère le fait de vous proposer à deux reprises la même marchandise (c'est la dernière fois que je le fais, promis, juré, craché!), mais c'est pour remettre en mémoire quelques considérations historiques sur la FSSPX que je vais très bientôt compléter.

Voici donc le post en question :

Non, Petrus ne va pas recommencer à nous entretenir de la crise de la FSSPX, de ses causes, de ses manifestations et de ses conséquences? Si, Petrus va recommencer! Je vais me gêner! Désolé de vous décevoir, Rasta, Florilège, Justin, David and Co, mais quand j'essaie de changer de sujet, comme par exemple lorsque je m'emploie à dénoncer la Constitution européenne, je n'atteins pas cent liseurs. Et pourtant j'avais fait dans le lyrisme (oui, à la différence de Maurras, j'aime beaucoup Lamartine et le loup de Vigny qui n'a de cesse d'exaler son impossible râle!) mais manifestement ça ne paye pas.

Donc j'ai décidé de faire dans le commercial comme TF1. Et sur le FC, le commercial, c'est la FSSPX! Rien de plus vendeur!

En effet, je vous le demande, chers amis liseurs, à quoi cela sert-il que Petrus, comme le Père Ducros, se décarcasse s'il n'est pas lisu?

Pour faire péter l'audimat, j'ai donc introduit quelques messages publicitaires et autres bandes-annonces. Que voulez-vous, j'essaie d'être de mon temps mais c'est dur! Faut bien qu'y vive, le Petrus!

Allez, c'est parti, en voiture, accrochez vos ceintures. Comme dans les films fantastiques de M6, ça va saigner!

Top chrono, c'est parti. Le nouveau Petrus est lancé. Rien ne va l'arrêter.

Alors que la crise qui ravage la FSSPX et ses soutiens dure depuis bientôt six mois (que le temps passe vite!), il est sans doute utile de s'interroger sur les causes lointaines de l'actuelle fracture. Beaucoup de laguéristes l'avouent : la crise, aujourd'hui ouverte, n'est pas née en un jour. Elle est à n'en pas douter la résultante d'un certain nombre de dysfonctionnements, d'un malaise interne longtemps nié et ignoré et qui prend aujourd'hui toute son ampleur.

A quand faire remonter l'origine du malaise? C'est là que les difficultés commencent. D'aucuns diront que l'origine lointaine, ce sont les sacres de 1988 qui ont créé une mentalité toute particulière au sein de la FSSPX. Il est certain en tous cas qu'il y a une différence très nette dans la gestion et la physionomie des séminaires entre l'avant et l'après 30 juin 1988. Jusqu'aux sacres, l'on peut percevoir nettement plusieurs tendances chez les séminaristes; il y a les "libéraux", les "Monseigneur a dit", inconditionnels du prélat d'Ecône, quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse (et même s'il tient des discours passablement contradictoires) et les "durs" eux-mêmes subdivisés en différentes catégories. Mgr Williamson, lorsqu'il était professeur à Ecône, s'était ingénié à classer les séminaristes de 1 (les plus libéraux) à 7 (les plus durs avec souvent des sympathies prononcées pour le guérardisme voire le strict sédévacantisme).

Et qui connaît des prêtres qui ont fait leur séminaire à Ecône dans les années soixante-dix ou quatre-vingt les a entendu souvent raconter ces divisions homériques, parfois bon enfant, parfois plus cruelles, entre différents clans. Cela était certes difficile à gérer mais cela mettait de l'ambiance et de la vie. D'autre part, comment peut-on demander à tous les séminaristes, dans une crise de l'Eglise aussi grave, aussi exceptionnelle, aussi mystérieuse, d'avoir exactement et en tous points les mêmes positions, le même regard? Avouez que, sauf à tourner à la secte, c'est bien difficile. Et pourtant progressivement, à partir de 1988, les séminaristes ont été formatés, clonés, élevés en batterie du père Dodu. Il n'y avait plus les étiquettages de 1 à 7 que chérissait la taxinomie de Mgr Williamson. Aucune tête ne devait dépasser. Il ne fallait pas trop poser de questions. Autant dire que pour ma part je n'aurais pas tenu huit jours. Les critères de sélection, d'entrée au séminaire étaient beaucoup plus sévères, trop sans doute. Et s'il y a donc une évolution, ou pour mieux dire, une aggravation dans l'état d'esprit du clergé de la FSSPX, et singulièrement des prêtres ordonnés après 1988, ce n'est pas tout à fait un hasard.

Vous remarquerez d'ailleurs, chers liseurs du FC, que les trois prêtres (abbés Laguérie, Héry, Tanoüarn, ordonnés respectivement en 1979, 1987 et 1988) ayant actuellement maille à partir avec la direction de la FSSPX ont fait leur séminaire à l'époque où il y avait plusieurs courants. Ce qui explique assurément une différence de mentalité qu'a bien perçue et mise en évidence notre ami l'avocat Jean-Paul Parfu. Nul doute qu'il n'y ait dans cette crise une fracture générationnelle qui oppose des prêtres relativement anciens dans la FSSPX à des clercs plus jeunes (abbé de Cacqueray). Certes, il ne faut pas généraliser cette opposition car l'on trouve des trentenaires et des quinquagénaires dans les deux camps en présence mais, à mon sens, c'est tout sauf un hasard si les deux prêtres durement sanctionnés, l'un en octobre 2003, l'autre en septembre 2004, sont respectivement le sexagénaire Paul Aulagnier et le quinquagénaire Philippe Laguérie. Je crois que d'une part ces prêtres supportent difficilement que des clercs plus jeunes qu'eux et qu'ils jugent, à tort ou à raison, moins affûtés, moins expérimentés et, disons-le, moins intelligents, moins légitimes et moins missionnaires qu'eux dirigent la FSSPX et s'attribuent toutes les places importantes. A l'inverse, Mgr Fellay a toujours eu un regard méfiant sur des personnalités aussi fortes, et par certains côtés aussi dérangeantes voire imprévisibles que les abbés Aulagnier, Laguérie et de Tanoüarn.

J'ajoute qu'il me semble peu politique et très malhabile de la part de la direction de la FSSPX de vouloir d'un seul coup et brusquement mettre au pas des clercs aussi indépendants et bouillants que les abbés Laguérie, Aulagnier et de Tanoüarn quand pendant des années on leur a laissé faire à peu près tout ce qu'ils voulaient, pour le meilleur comme pour le pire : création de revues, prises d'églises, café-philo, conférences, colloques, symposium, débats avec des adversaires sur le plan religieux (Ecclesia Dei, conciliaires) et idéologique (débat avec Alain de Benoist, chef de la nouvelle droite), etc. On ne peut être laxiste ou libéral pendant des années et s'étonner après de susciter la révolte auprès de prêtres qui ne comprennent pas pourquoi d'un seul coup on leur met des bâtons dans les roues et on veut les mettre au pas. On m'objectera que je caricature quelque peu la réalité, qu'un abbé Laguérie, un abbé de Tanoüarn et même un abbé Aulagnier ont déjà eu des difficultés avec leur hiérarchie. Je ne le nie pas mais reconnaissons quand même que depuis des années, sauf rares exceptions, on leur laissait une paix royale. Je ne vais pas ici me prononcer sur le point de savoir si la FSSPX a eu raison ou tort d'agir ainsi, ce n'est pas mon affaire, mais il est évident que l'on ne peut tout accepter pendant des années puis d'un coup tout refuser sans susciter l'incompréhension puis la colère et la révolte. C'était déjà l'erreur que Le Pen avait commise avec Mégret.

Et c'est bien le processus qui est en cours sous nos yeux où l'on observe d'une part l'exaspération croissante des laguéro-tanoüarniens et parallèlement la crispation exponentielle de la hiérarchie de la FSSPX. Ce qui crée un cercle vicieux car plus Menzingen et Suresnes se rétractent, se recroquevillent, fulminent sanctions et interdits, plus le camp d'en face manifeste son opposition, son courroux et sa révolte.


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Mais plus encore que la date des sacres, il me semble que l'origine lointaine de la crise doit être recherchée dans la reprise des négociations avec Rome en 2000 qui en a désorienté plus d'un après des années d'opposition relativement frontale au Vatican. Là encore cependant l'analyse mériterait d'être affinée et nuancée. On peut déceler un certain et relatif recentrage (d'autres diront une certaine ouverture) de la FSSPX à partir du milieu des années quatre-vingt-dix. Le départ de l'abbé de Jorna du supériorat du district de France en 1996 à la suite notamment de son fameux sermon sur les "rats" à Reims qui en avait indisposé plus d'un et l'arrivée de l'abbé Grégoire Celier à la direction de la revue Fideliter et des éditions Clovis sont deux signes significatifs de recentrage du district de France et de ses publications officielles. Qui consulte une collection du bimestriel Fideliter peut aisément se rendre compte du changement de ton et d'orientation à partir de 1996. Des personnalités ralliées comme Yves Daoudal ou étrangères à la FSSPX comme Martin Peltier peuvent y écrire apparemment sans difficulté, ce qui eût été inimaginable dans les quelques années qui ont suivi les sacres. D'ailleurs, autant le catéchisme dit de l'Eglise catholique publié en 1992 avait suscité une vive opposition de la FSSPX (ce qui avait entraîné une réponse du Barroux, communauté qui avait au contraire défendu l'orthodoxie doctrinale dudit catéchisme), autant deux ans plus tard les encycliques Evangelium vitae et plus encore Veritatis splendor avaient été fort élogieusement recensées dans les publications de la FSSPX.

Il est donc très net qu'à partir du milieu des années quatre-vingt-dix il y a une certaine ouverture, d'autres diront un réel gauchissement, de la FSSPX qui contraste avec les cinq-six années qui avaient suivi les sacres et qui avaient été marquées par un certain durcissement, d'autres diront un clair repli sur soi dont témoignait notamment la mise à l'écart de Renaissance catholique, elle-même scission de Chrétienté-Solidarité au moment des sacres de 1988. La querelle de l'époque qui tournait autour du cléricalisme rejaillit d'ailleurs quinze ans plus tard, ce qui est là aussi un nsigne intéressant. Nous y reviendrons.

Or, il semble que la stratégie d'ouverture, de recentrage qui a commencé au milieu de la précédente décennie et qui a culminé avec les discussions avec Rome en vue d'une régularisation canonique en 2000 et 2001 soit, provisoirement au moins, en tout cas en apparence, abandonnée. A preuve l'attitude désormais très hostile à l'égard de Campos et de Mgr Rifan, alors même que la FSSPX et Campos ont négocié au début ensemble leur régularisation canonique et que, pendant un certain temps après l'accord officiel le 18 janvier 2002 de la communauté brésilienne avec le Vatican, la direction de la FSSPX ne s'était pas montrée hostile, mais seulement prudente.

Et voilà que depuis quelque temps Campos est traité comme l'étaient les "ralliés" en 1988. A preuve l'accusation portée contre Mgr Rifan d'avoir concélébré dans le nouveau rite. Accusation hélas calomnieuse car les personnes qui ont vu la vidéo de la messe en entier (elle dure trois heures!) m'ont certifié qu'il ne concélébrait pas, conformément d'ailleurs à ce qu'il avait dit. On peut certes lui reprocher d'avoir assisté activement à la nouvelle messe mais on n'a pas le droit de calomnier, même si, comme vous vous en doutez, je n'ai aucune espèce de sympathie pour l'attitude et les positions de Mgr Rifan. Cela dit, hélas, le mensonge et la calomnie, la FSSPX sait faire quand cela sert sa cause du moment! Qui n'est d'ailleurs ni celle d'hier ni celle de demain car elle en change souvent au gré de l'idée qu'elle se fait de ses intérêts immédiats tant elle a tendance à se prendre pour l'Eglise.

Il est donc évident que la reprise des négociations avec Rome en a réjoui certains, indisposé d'autres et donc créé un malaise supplémentaire en interne. Sont venues se greffer par-dessus l'affaire de Campos, puis (c'est lié et non Celier!) l'affaire Aulagnier et désormais l'affaire Laguérie-Héry-Tanoüarn. Sans oublier les graves divisions qui ont affecté le district d'Allemagne de la FSSPX et qui ont conduit à l'érection de l'oratoire Saint-Philippe Néri par le cardinal Castrillon Hoyos en mai 2004.

On ne peut mentir tout le temps et à tout le monde, changer d'avis comme de chemises et espérer que tout le monde vous suivra perinde ac cadaver. L'abbé Aulagnier était d'accord avec Mgr Fellay pour oeuvrer dans le sens d'un accord avec Rome. D'un seul coup, on lui signifie que la politique-maison a changé et qu'il doit s'y plier. Notre bon abbé qui s'était enflammé (c'est son tempérament; il est d'ailleurs humainement très sympathique) ne comprend pas ce nouveau changement de cap et s'obstine dans sa volonté d'accord. D'où le conflit et d'où maintenant les accusations portées contre lui (un traître, un libéral, un vendu, un carriériste qui ne rêve que de mitre), lui qui s'est dévoué trente ans durant pour la FSSPX ouvrant des prieurés, multipliant les chapelles, se dépensant sans compter. Mais il est vrai que l'on n'est jamais trahi que par les siens.

Je reprendrai la suite de l'analyse dans un post suivant; ça suffit pour aujourd'hui.

A demain, si vous le voulez bien!

Petrus, "l'excentrique" selon Kamate, "l'imposteur" selon Justin, "le journaliste médiocre" selon David, vous salue bien.

A bientôt, chers liseurs.

Petrus.